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Portrait d'une ancienne: Amélie P100

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17/02/2025

Le réseau paysan  est une initiative qui regroupe des ancien.ne.s et des élèves de l'ISTOM autours de l'agriculture paysanne, en organisant des rencontres, des visites de ferme et des interventions pédagogiques au sein de l'école.  Découvrez ici une série de portraits d'ancien.ne.s réalisés par des élèves de 5ème année de l'ISTOM.

Est-ce que tu peux nous parler du fonctionnement de ta ferme ?

Je suis installée depuis le début de l’année 2023 en culture de plantes aromatiques et médicinales, avec le statut d’entreprise individuelle. Je cultive une quarantaine de plantes sur 1200 m², avec aussi 2000 m² d’arbres fruitiers (pomme, poires, figues) et 1000 m² de petits fruits (cassis, groseilles, framboises). C’est tout récent donc pour l’instant je ne récolte que les aromatiques et les petits fruits, que je transforme moi-même. L’atelier de transformation se compose d’un séchoir en bois que j’ai construit moi-même, d’un espace de stockage, de cuves de fermentation et d’une distillerie composée d’antiques alambiques en cuivre auxquels j’ai donné une seconde vie. J’ai commencé par vendre  des plantes séchées et des eaux de vie aromatisées aux 

plantes, et je lance actuellement des liqueurs, des vinaigres, des sirops et des kombuchas. Je travaille seule sur la production et la transformation, avec parfois des stagiaires et les inévitables coup de mains entre voisins et entre copains. Je suis propriétaire du terrain qui est juste à côté de la maison que nous avons achetée avec mon compagnon il y a bientôt 4 ans. Nous avons aussi 5ha de forêt sur le terrain, et nous rénovons nous même la maison avec le bois issu de notre petite forêt. Tout est en circuit court ici ! 

Quel a été ton parcours après l’ISTOM ? 

J’ai d’abord travaillé 2ans à la FNSEA du Morbihan en tant que responsable des diagnostics sécurité dans les exploitations agricoles, puis j’ai passé 1 année en Guadeloupe à travailler sur la relance des filières café et cacao au sein de la DAF. En 2017 je suis rentrée en France pour travailler en tant que conseillère installation à la chambre d’agriculture du Morbihan, poste que j’ai occupé jusqu’à la fin de l’année 2022. Ça a été mon expérience professionnelle la plus longue et la plus formatrice pour mon métier actuel, car j’étais spécialisée dans le suivi de projets d’installation visant des circuits courts, souvent en agriculture biologique et souvent avec une partie transformation à la ferme. J’ai donc pu suivre de nombreux projets d’installation avant de lancer le mien.

Tout cela s’est fait progressivement, en parallèle de mon travail à la chambre d’agriculture. J’ai d’abord suivi une formation diplômante en herboristerie sur 2 ans de 2019 à 2021, puis nous avons trouvé notre maison idéale en 2021 avec une maison à rénover, de la forêt et 2 ha de prairie.

J’ai fait mes premiers essais de cultures tout en continuant à faire de nombreuses visites de ferme et des formations courtes sur des thématiques très spécifiques (séchage, distillation, gestion du sol). Puis je me suis lancé en quittant la chambre d’agriculture via une rupture conventionnelle fin 2022. J’ai bénéficié du chomâge pendant 2 ans en complément de revenu et avec le statut de cotisante solidaire à la MSA. J’aurais officiellement le statut d’agricultrice l’année prochaine. 

Qu’est-ce qui t’a motivé à devenir paysanne ?

J’ai toujours su qu’il me faudrait tôt au tard un aspect manuel dans mon métier. J’ai toujours aimé faire de mes mains, être créative, construire, cultiver, bricoler et travailler au grand air. Donc je savais que je ne pourrais pas rester dans les bureaux toute ma vie. Mes différentes expériences professionnelles, même si elles ont été très enrichissantes, ont aussi confirmé mon besoin d’autonomie et d’indépendance vis-à-vis d’une hiérarchie et d’une bureaucratie un peu pesante dans certaines structures. Enfin je trouve que le véritable rôle de l’ingénieur en agro-développement, tel qu’enseigné à l’ISTOM, est celui d’un concepteur de solutions innovantes dans un environnement agricole complexe et sans cesse changeant. Or de nombreux postes salariés qui nous sont proposés sont plus des postes d’exécution de procédures préétablies plutôt que de conception et d’innovation. J’avais aussi ce besoin d’avoir un métier dans lequel j’ai les mains libres pour améliorer en continue mon outil de travail et la stratégie de mon entreprise. En fait il y a énormément de compétences de l’ingénieur qui s’expriment dans le métier de paysanne.  

Qu’est-ce que l’ISTOM t’as apporté pour ton métier d’aujourd’hui ? Qu’est-ce qui as pu te manquer dans ta formation ? 

Avant tout l’ISTOM m’a permis de renforcer une certaine culture que j’avais déjà, des valeurs, une certaine vision du monde. Ça peut paraître un peu bête mais à 18 ans on est encore très jeune et très influençable, on ne sait pas exactement qui on est ou quelles sont nos valeurs. L’ISTOM m’a permis de renforcer une certaine vision de l’agriculture respectueuse de l’humain et de l’environnement, une ouverture sur le monde aussi et une curiosité à comprendre le point de vue des autres. Aujourd’hui tout ça s’est bien ancré en moi et ça m’aide à garder confiance quand je dois défendre mon projet et ma vision de l’agriculture. 

Au niveau technique on a tous en même une bonne base en production végétale et en technologie alimentaire, ce qui m’a beaucoup aidé. On n’a pas forcément les connaissances spécifiques, mais on a les bons raisonnements, les bons réflexes qui nous font gagner du temps dans la conception d’un système de culture et de procédés de transformation. On a aussi une belle ouverture d’esprit, qui nous pousse à nous remettre plus facilement en question et à aller comprendre le point de vue des autres acteurs de notre territoire, à ne pas être victimes de nos propres préjugés. 

En termes de manques, je me suis sentie limitée en termes de pédologie et de machinisme agricole. Au début je n’étais pas du tout au point sur la compréhension des sols, en particulier de leur niveau d’activité biologique et aussi pour ce qui est l’interprétation des analyses de sols. Je comprenais plus ou moins les termes mais je ne savais pas faire le lien entre analyse de sol et conception d’un système de culture..  Niveau machinisme je partais de loin et j’avais tellement honte de dire que je ne connaissais pas certains outils agricoles, et que j’étais encore moins capable de les utiliser. Ça m’aurait évité quelques erreurs bêtes et quelques moment gênants mais bon, avec une bonne dose de pratique, d’humilité et l’aide de mes voisins agriculteurs ça finit par se régler. 

Quelles ont-été tes difficultés principales à l’installation ? 

Grâce à mon expérience à la chambre d’agriculture j’avais une très bonne connaissance du contexte agricole français et du parcours à l’installation, donc je n’ai pas eu de problèmes de ce côté-là. Avec toutes les formations complémentaires et les

visites de ferme que j’ai pu faire j’avais aussi une vision assez claire pour mon système de production et de transformation. Ce qui m’a le plus posé problème en fait c’est le développement des produits, et la stratégie de vente et de promotion qui doit pouvoir répondre à un certain marché. C’est une chose de savoir ce que l’on veut produire, mais il faut aussi que ça corresponde à ce que les gens ont envie d’acheter, ce qui nous pousse à devoir faire des compromis entre notre vision du produit et la « demande du marché ». Par exemple je ne souhaitais pas faire de liqueur et de sirop au départ car je n’avais envie de boissons trop sucrées, et en plus je ne produis pas de sucre moi-même et ce n’est pas facile de trouver des producteurs de sucre locaux-bio-paysans quand on est en Bretagne. Mais clairement ce qui se vend c’est plutôt des sirops et des liqueurs de plantes que des eaux de vie. J’ai réussi à trouver une petite coopérative sucrière en Picardie dont les modes de production correspondent bien à mes valeurs, et je vais lancer ma nouvelle gamme sirops et liqueurs. Ensuite il faut trouver les canaux de commercialisation, se faire référencer, fidéliser sa clientèle. C’est là-dessus que je travail le plus en ce moment.

Quels conseils donnerais-tu aux istomien.ne.s tenté.e.s par l’installation ? 

Faîtes un maximum de stage, de journées techniques, de formations, de visites de fermes avant de vous lancer. C’est vraiment crucial d’avoir une expérience concrète pour bien penser son projet en amont, car une fois que l’on se lance pour de bon on a plus trop le temps de sortir la tête du guidon. Il faut donc pouvoir bénéficier de l’expérience des autres avant de se lancer, en allant chercher une grande diversité d’expérience et de modèles différents dans d’autres fermes. Beaucoup décident de passer par une phase de salariat dans des fermes qui tournent bien avant de se lancer, ce qui est une très bonne stratégie. Malheureusement en PAM c’est plus difficile de trouver des postes de salariés à l’année, car les fermes sont souvent bien plus petites qu’en maraîchage, en arboriculture ou en élevage et ont-elles moins besoins de main d’œuvre. 

Le deuxième conseil serait de garder l’esprit ouvert sur la réalité du monde agricole et ne pas avoir trop de préjugés sur les acteurs de « l’agriculture conventionnelle non-bio et agro-industrielle ». Les SAFER et les chambres d’agriculture étiquetées FNSEA ne sont pas forcément vos ennemis et peuvent être même des soutiens précieux, si on sait comprendre 

le fonctionnement du système et avoir de bons contacts humains. C’est souvent une histoire de personnes, chaque territoire agricole est différent et vous allez avoir besoin de toutes l’aide disponible dans votre projet. Idem pour vos voisins agriculteurs, ce n’est pas parce que vous êtes en bio circuit court et eux en agro-industriel qu’il ne peut pas y avoir entente et entraide. 

Dans le monde agricole c’est avant tout des réseaux d’entraides, il faut savoir maintenir des bonnes relations de voisinage. Il y a toujours quelques conflits mais ce n’est pas une fatalité. Par exemple pour la préparer du sol de mes planches de culture mon voisin avec son gros tracteur va faire en 20min ce que je ferais en 2 jours avec mon petit motoculteur, c’est précieux. Et moi je peux l’aider facilement s’il a des problèmes avec les démarches administratives car j’ai l’expérience de la chambre d’agriculture. On peut avoir des modèles différents mais être complémentaires et solidaires. 




 Retrouvez tous les portraits téléchargeables au format PDF ici: 

 https://drive.proton.me/urls/5DJF0WSTJ4#5ITUSd7WKaxx




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